04 mars, 2010

Cusco à Nasca - 666km

Cette partie du voyage s'avère la plus difficile mais aussi la plus belle. IL nous aura fallu 9 jours pour arriver à Nasca en passant chaque jour des cols. Chaque jour, je me disais que le lendemain je prendrai un camion pour arriver à l'étape suivant et ce ne fut jamais le cas. Au final, nous avons été récompensés par une descente de 90km dans un paysage aride.

Dimanche 21 février Cuzco Ensoleillé et chaud, nuageux et froid puis pluvieux. Tout ça dans la même journée... Nous avons discuté longuement avec le propriétaire d'un magasin-musée de textiles situé sur la Plaza de Armas, il vend à de vrais amateurs ou collectionneur mais c'est fait un plaisir de nous expliquer comment faire le tri entre le vrai et le faux dans les échoppes. Il nous a également expliqué pourquoi les problèmes d'inondations et de glissements de terrains étaient prévisibles. Une visite instructive et intéressante. Promenade dans la ville et découverte du marché central, l'un des plus intéressant qu'on ait vu; fruits, légumes, viandes, fromages, épicerie, textile et une allée dédiée aux abats. Cette allée vaut le déplacement à elle seule (âmes sensibles s'abstenir...): museaux de boeufs et moutons, testicules de boeufs, tripes, langues, oreilles, etc, rien ne se perd ici! Et bien sûr, plein de petits stands où l'on mange pour trois fois rien et on ne s'en est pas privé. A propos de repas, nous avons déniché le pire restaurant (au niveau cadre) de notre vie; une pièce de trois mètres sur quatre, deux tables, le sol recouvert de paille. Le reste de l'immeuble s'est effondré, plus de toit, juste un auvent de paille, un trou béant dans le sol et une gamine qui racle l'eau (il pleuvait des cordes)pour l'empêcher de pénétrer dans le ''resto''...Étonnamment, on y a bien mangé et les deux couples de français que nous y avons emmené ont apprécié. Je n'ose quand même pas imaginer l'état de la cuisine...

Lundi 22 février Cuzco Frais, Nuageux avec averses. On s'est décidé à acheter un poncho pour les longues soirées d'hiver d'Angel. C'était sois-disant de la laine d'alpaga (ça ressemble à un lama) et on avait réussi à avoir un bon prix. Arrivés à l'hôtel, pour lever le léger doute que nous avions, nous avons fait le test du briquet (la laine brulée s'effrite tandis que le synthétique durcit) et le poncho était en fibres synthétiques...Direction l'échoppe avec notre briquet. Là ils nous soutenaient que c'était normal jusqu'à ce qu'on mentionne notre visite chez le spécialiste du magasin-musée. On a été remboursé immédiatement...

Mardi 23 février 80km Limatambo Alt: 2615m 10° Nuageux et pluvieux. C'est parti pour les montagnes russes! Départ à 3440m, on monte à 3660m pour sortir de Cuzco, on descend de 200m pour remonter à 3755m. Là ça accélère; on s'est arrêté à Limatambo après 27km de descente ininterrompue (pas le moindre coup de pédale) et demain ça continuera... On a eu du vent de face et de la pluie. La météo nous en voulait aujourd'hui...On est resté deux heures sous un petit auvent en attendant que ça passe car malgré tout ce qu'on a enduré en Patagonie, la flotte, on a perdu l'habitude (et l'envie) de rouler dessous. Tout au long des 27 derniers kilomètres, nous sommes passés par: au dessus des nuages, dans les nuages et sous les nuages. Voir ces masses blanches perdues entre ces montagnes, quel spectacle! On pensait camper mais vu l'état du ciel (et le prix dérisoire des hôtels dans les petits villages,15sol la chambre), on a joué la sûreté. On a quand même fait notre popote dans la chambre; camping de luxe pour fêter notre cinq millième kilomètre qui coïncide avec notre étape.

Mercredi 24 février 57km 12km après Curahuasi Alt: 3017m 30° ensoleillé puis 26°nuageux, pluie le soir. Quelle nuit! Malade comme un chien, j'ai passé ma nuit entre la chambre et les toilettes. On a hésité à reprendre la route mais comme je me voyais mal rester un jour entier à Limatambo, on a pris le risque. Ce fut dur une bonne partie de la journée mais en fin de journée, une fois mes forces revenues, j'ai pu aider Angélique pour les 15 derniers kilomètres ( à l'aide de notre super laisse). 18km, c'est la descente de ce matin, seulement freinés par les travaux de remise en état de la route dont certaines parties ont été emportées par les eaux. Ajoutés à celle d'hier, ça nous fait une descente totale de 45km! Bon, évidemment, ce sont des plaisirs qui se paient. En bas nous étions à l'altitude de 1892m et ce soir, on dort à plus de 3000m...La journée fût looongue. Et c'est pas fini, demain on doit encore monter de 1000m... On avait monté la tente dans un pré à côté de l'église d'un petit village. Une brave dame estimant que ce n'était pas sûr (deux voyageurs se seraient fait voler leurs vélos dans les mêmes conditions l'an passé) nous a ouvert la porte d'une petite maison en terre séchée pour qu'on y passe la nuit. Elle a bien fait, il s'est évidemment mis à pleuvoir. Il fait plus chaud par ici et les mouchettes ont fait leur apparition; le problème est qu'elles piquent...

Jeudi 25 février 59km Abancay Alt: 2459m Ensoleillé et chaud puis nuageux et l'averse habituelle vers 16h... 4002m, on l'a fait! On a terminé les 22 derniers kilomètres de cette foutue ascension. On vient de grimper de 2210m en deux jours et en 55km!!! La grimpette d'aujourd'hui nous aura pris trois heures et quart, la descente de 37km par contre, seulement une heure. Et quelle descente! Nous voici à Abancay, ville sans charme où nous avons déniché un petit hôtel pas cher (Gran Hotel)(5€) histoire de prendre une bonne douche et dormir dans un bon lit avant de nous lancer sur la route de Nazca; 480km sans beaucoup de villages où nous ravitailler.

Vendredi 26 février 88km Puente Huayquipa Alt: 2448m 25° ensoleillé puis pluie à partir de 16h. 14 kilomètres ce matin, 37 kilomètres hier: au total 51km de descente ininterrompue! Record battu! On est descendu jusque 1780m, on est alors entré dans une vallée encaissée sur une route vallonnée et on monte petit à petit. La route est très agréable et facile malgré le soleil qui tape dur et cette chaleur moite. Les pluies des derniers jours ont encore fait des dégâts et des ouvriers nous ont fait passer un gué en bulldozer...C'était gag! On voulait camper mais comme toujours, il s'est mis a pleuvoir vers seize heures et puisque nous sommes passé à côté d'un hospedaje, on a décidé d'y rester. On a bien fait car il pleut des cordes maintenant. Concernant cet hospedaje, c'est, et de loin, le pire qu'on ait eu; cloisons en unalite d'une hauteur d'1m80, pas de porte, lits défoncés (on dirait des hamacs), draps sales et pas de lumière. Evidemment, pas de salle de bain (on s'est lavé sur le balcon avec un pot d'eau). C'est aussi un resto mais vu l'état de la pièce où la patronne cuisine, je ne demanderais même pas de l'eau chaude pour le thé...Enfin, on est à l'abri de la pluie et avec un peu de chance il n'y a pas de puces sur les lits...

Samedi 27 février 66km Promesa Alt: 3477m 27° Ensoleillé avec passages nuageux et pluie vers 15h On a dormi à deux dans mon lit car il y avait trop d'insectes qui voulaient dormir avec Angel...On était bien, dans la ''chambre'' voisine, une famille dormais à trois dans un lit d'une personne... On est crevé. Hier on trouvait facile de monter aussi progressivement, mais mine de rien, ça laisse des traces (sans compter notre ascension de fou des jours précédents). De plus, le soleil tape dur sur nos frêles épaules et le taux d'humidité est élevé. Bilan de la journée: 66km et plus de 1000m de dénivelé positif! Arrivés à un péage, on nous a conseillé de nous arrêter car il allait faire très mauvais et très froid rapidement. C'était même instantanément! On n'a même pas eu le temps de monter la tente que nous étions trempés jusqu'aux os en moins d'une minute! Des torrents d'eau et puis de grêle se sont abattus sur nous. La tente aussi fût trempée car, dans la précipitation, Angélique a eu la bonne idée de casser une des armatures de la tente...Heureusement, les responsables du péage ont mis une pièce à notre disposition et nous dormirons donc au sec. Les péages sont installés (parfois au milieu de nulle part) pour financer la réfection des routes, ce qui dans ce cas ci nous permet de rouler sur une voie parfaitement neuve depuis Abancay. Evidemment, les cyclistes ne paient rien.

Dimanche 28 février 51km Pampamarca Alt: 4217m 16° mais le soleil nous réchauffait, pluie et 5°... Quelle journée! On a commencé par monter, dès le départ, en lacets serrés jusqu'à 4202m. Près de 800m de dénivelé en 11km! Durant l'ascension, la vue était magnifique sur l'étroite vallée que nous quittions. Nous avons eu tout le loisir pendant ce long effort de pouvoir admirer deux couples de condors planant au dessus de nous. Quand on voit la taille de leur ombre au sol, on est content de ne pas faire partie de leurs proies potentielles... Notre carte routière mentionne un col à 4300m. On pensait y être assez rapidement mais on a déchanté; à cette altitude, on voyait au loin la route grimper. Résultat, on passe le vrai col sous la pluie et dans le froid (5°). L'altitude? 4532m. On n'a jamais été aussi haut et on a même pa pu en profiter avec ce temps pourri. Pour la première fois, j'ai pris des feuilles de coca car quelques centaines de mètres avant le sommet, mes forces me lâchaient et comme ça a l'air de fonctionner chez Angel, pourquoi pas? Je ne saurais probablement jamais si c'est la petite pause pour les prendre ou la coca qui a fait que la fin a été plus facile. On est arrivé trempés dans un petit village (Pampamarca) où la seule hospedaje est minable; la chambre pue, il n'y a pas de lumière, juste une bougie et un trou nauséabond qui sert de toilette au fond de la cour. Tout ce confort pour le même prix (non négociable) que notre petit hôtel avec salle de bain privée à Abancay...Enfin, on est au sec et ce sera notre nuit la plus haute. On se sent fatigué physiquement mais heureusement, j'ai encore assez d'énergie pour aider Angélique dans les côtes. Malgré son courage, elle commence aussi à fatiguer mentalement. J'espère quand même que nous pourrons arriver à Nazca sans faire de stop.

Lundi 1 mars 106km Puquio Alt: 3236m 18° Ensoleillé avec passages nuageux. Toujours plus haut! On a commencé à grimper dès la sortie du village pour nous retrouver à 4530m. Une fois là, on redescend et on remonte...Pour arriver à 4550m! Nous roulons alors pendant une trentaine de kilomètres aux alentours de 4500m (on repassera deux fois à 4550m). Vient alors la récompense de tous ces efforts; une quarantaine de kilomètres de descente vers Puquio. On échappe à la pluie pour une fois, mais nous passons dans les nuages et là, il fait froid (8°). Comme il nous fût impossible de trouver du pain dans les deux villages que nous avons traversé, on a survécu grâce à nos réserves de Snickers. Donc, on s'est arrêté dans le premier resto de la ville pour nous refaire une santé... Angélique était très pessimiste, elle pensait que la route serait trop dure et qu'on n'arriverait pas à Puquio. J'étais persuadé que c'était possible en l'aidant, mais je n'imaginais pas qu'on y arrive aussi tôt(à 14h!).

Mardi 2 mars 58km Pampa Galera Alt: 4165m 20° ensoleillé, 10° nuageux... On y est! L'ultime col de notre voyage! Ce ne fût pas sans peine, 300m d'ascension comme petit déjeuner (3520m) puis on est redescendu à 3111m avant d'attaquer la côte finale, 25km de grimpette quand même! Nous n'en pouvions plus, pour ma part, le moral n'y était plus après notre descente et la fatigue accumulée ces derniers jours se faisait bien sentir. On est passé par la case feuilles de coca pour se remonter un petit peu. On est arrivé vers 17h au col; dans le froid et le brouillard. On a posé la tente à l'entrée de la réserve naturelle Pampa Galera où vivent un grand nombre de vigognes (animal de la même famille que les lamas mais non domestiqué et protégé). La température nous rappelle un peu nos soirées patagoniennes, ce fût donc popote dans la tente et promesse de bien dormir dans nos bons duvets...

Mercredi 3 mars 101km Nazca Alt: 595m 36°, Ensoleillé. Ouf, c'était le dernier col! On est descendu sur Nazca, et quelle descente; 3500m de dénivelé négatif et une descente ininterrompue de 64km! Ce matin, il faisait 8° à notre lever (avant six heures pour voir le lever du soleil) au milieu des vigognes et à notre arrivée à Nazca, il y avait 36° (à l'ombre). Quel choc... Il n'y a pas grand chose à faire ici et vu la chaleur, tant mieux, ça nous a permis de nous reposer dans un petit hôtel bien sympathique avant d'aller prendre un apéro (pisco sour évidemment) bien tassé. Conclusion, avec un seul verre j'étais bourré...